Novembre 2024, Températures à peu près normales, hauteur d’eau déficitaire.

Avec le mois de novembre écoulé, il est flagrant de constater que, d’une année sur l’autre, les conditions climatiques peuvent être radicalement différentes, et varier du tout au tout. En effet, alors que novembre 2023 battait tous les records de précipitations, avec des pluies torrentielles à répétition causant les graves inondations que l’on connaît, le même mois en 2024 se caractérise par une première décade d’une sécheresse remarquable, mais pratiquement sans soleil en raison d’une grisaille tenace bloquée au sol par des hautes pressions peu mobiles. Lire la suite (pdf)

Par Alain Plumart, correspondant météo local à Watten.

Année 2023: encore une année «de tous les records»! Si 2022 était déjà considérée comme l’année la plus chaude jamais enregistrée, en France et sur une partie de l’Europe, on peut constater que nous avons «récidivé» en 2023, même si chez nous les périodes de forte chaleur n’ont pas été aussi intenses que l’année précédente; c’est plutôt leur caractère précoce ou tardif, ainsi que leur durée, qui sont autant d’anomalies.

En ce qui concerne la température moyenne annuelle, le record de 2022 est égalé (0,02° en plus), mais avec une amplitude un peu moins grande; alors que la moyenne des minimales (Tn) constitue un record (c’est la première fois que l’on dépasse les 8°), la moyenne des maximales (Tx) est un peu moins élevée que l’année précédente, d’où un équilibre rétabli pour la moyenne générale. 

Mais dans la partie nord des Hauts-de-France,  ce sont surtout les hauteurs de précipitations qui ont fait «exploser» tous les records,  suite aux pluies torrentielles à répétition qui se sont abattues durant l’automne,  surtout dans la première quinzaine de novembre,  ce qui a provoqué le débordement de plusieurs rivières locales  (l’Aa, la Hem, la Lys) et causé des inondations catastrophiques dans de nombreuses communes du Boulonnais et de l’Audomarois. Après une accalmie en décembre, de nouvelles averses parfois fortes s’abattent sur les régions déjà sinistrées, fin décembre 2023 et début janvier 2024.    

Résumé des données climatiques:

Pourtant,  les pluies n’étaient pas particulièrement  importantes durant le premier semestre de 2023: nous avons même battu un record de sécheresse en février  (8,5 mm de pluie); mai et juin étaient également très déficitaires en eau, tandis que l’été fut par endroits bien arrosé  (surtout en août). C’est à partir de la mi-octobre que la situation s’aggrave brusquement, et les conditions resteront désastreuses jusqu’en fin d’année, avec un mois de novembre qui a battu chez nous tous les records de pluie imaginables: 306 mm à Watten, soit plus de 3 fois la normale (du jamais vu!), et ceci après un mois d’octobre déjà copieusement arrosé: 141 mm. Le total annuel pulvérise également tous les records, avec 1189 millimètres, soit un excédent de plus de 40 %. Depuis le début des relevés  (en 1971 pour Watten),  seulement trois années ont dépassé 1000 mm de précipitations, tous après l’an 2000: 1070 mm en 2012 (précédent record), 1038 mm en 2021, et enfin 1189 mm en 2023. (Rappelons que 1 mm d’eau correspond à 1 litre au mètre carré). 

Si l’on considère la répartition des pluies mois par mois, on relève 4 mois plus ou moins déficitaires en précipitations: février, mai, juin, et septembre (entre 15 % et 70 % de la normale),  les 8 mois restants étant souvent largement excédentaires, les écarts allant de +5 % en juillet à plus de 2 fois la normale en mars, avril et août, pour atteindre 3 fois la normale en novembre. Le nombre de jours avec pluie ≥0,1 mm (201) est sensiblement  supérieur à la moyenne, ce qui n’a rien d’étonnant quand on considère le déluge du dernier trimestre et même les conditions maussades de l’été ; ce nombre de jours pluvieux est minimum en juin (5 jours), mais il atteint 25 jours en mars (mois plutôt sec en général !) et en décembre.

En ce qui concerne les températures, la moyenne générale de l’année est pratiquement égale à celle de 2022, mais ce sont les dates des périodes les plus chaudes qui sont inhabituelles: l’une en juin et l’autre en septembre,  ce dernier mois battant des records de chaleur (!), alors que les mois de «plein été»  ont été des plus médiocres, surtout août (20 jours de pluie). On n’a pas enregistré de pic de très forte chaleur cette année, les 35° n’ayant pas été atteints, et pas de période très froide non plus dans les mois d’hiver.

Si l’on considère les températures moyennes mois par mois, on remarque que seuls 2 mois (avril et mai) présentent un léger déficit thermique (inférieur à 1°) ; pour les 10 mois excédentaires, les écarts sont pour la plupart compris entre +0,5° et +2,5°, mais ils atteignent 2,9° en juin et 3,7° en septembre! 

Quelques données chiffrées supplémentaires

Les données chiffrées complémentaires montrent bien le caractère chaotique (et inquiétant?) de cette année 2023, avec des records de sécheresse (février), de chaleur (juin et septembre), et de fortes précipitations (novembre). Il a été enregistré, au poste climatologique de Watten, au cours de l’année écoulée :

57 jours de chaleur  (T. maxi ≥ 25°):

c’est sensiblement moins qu’en 2022 (record : 68 jours), mais encore beaucoup plus que la moyenne régionale, qui est d’une trentaine de jours;  le nombre de jours de forte chaleur (T. maxi ≥30°): 15 jours, en très légère baisse, reste malgré tout très élevé. La répartition des jours de chaleur est la suivante : 0 j. (!) en avril et mai, 18 j. en juin, 8 j. en juillet, 12 j. en août, 15 j. en septembre, et encore 4 j. en octobre (dernier jour «chaud» : le 10 octobre); les jours de forte chaleur sont au nombre de 5 j. en juin, 2 j. en juillet, 2 j. en août,  et  6 j. en septembre,  les 9 et 10 étant les jours les plus chauds de l’année.

31 jours de gelée sous abri  (T. mini ≤ 0°)

fréquence identique à celle de l’année précédente et toujours inférieure à la normale régionale (environ 45 jours), avec la répartition suivante: 7 j. en janvier, 9 j. en février,  6 j. en mars,  3 j. en avril, 1 j. en novembre, et 5 j. en décembre ;  le nombre de jours de forte gelée (T. mini ≤− 5°) est seulement de 3: un dans chacun des mois de février, mars et décembre.

5 jours avec chute de neige (ou pluie et neige):

1 en février, 2 en mars, 2 en décembre. Ces rares chutes de neige, faibles ou modérées, ont parfois donné une couche au sol de 2 à 3 cm, ne tenant généralement pas plus de quelques heures.

8 jours avec orage ou tonnerre

y compris les orages à distance (plus de 3 km), qui sont éparpillés sur toute l’année: 1 dans chacun des mois de janvier, mai, août, octobre, novembre et décembre, et 2 en juin. Ces orages sont le plus souvent d’intensité faible à modérée pour les phénomènes électriques, mais sont parfois accompagnés de fortes averses de pluie; il n’a pas été observé de chutes de grêle ni de tornade dans la région cette année, alors que ces phénomènes «violents» ont été très nombreux en France.

Ce sont surtout les fortes pluies (parfois diluviennes)  qui constituent le plus gros des intempéries qui ont sévi sur les secteurs de Saint-Omer–Watten et Boulogne au cours de l’année écoulée.  Le nombre de jours avec pluie  ≥10mm est exceptionnellement élevé: pour Watten,  il est de 43 j.  (sans doute un record de plus), dont 12 dans le seul mois de novembre, alors que la moyenne annuelle régionale n’est que de 23 jours. Le nombre de jours avec hauteur d’eau ≥20mm est également très élevé: 11 jours (dont 6 en novembre), et l’on relève 3 jours où l’on a dépassé les 40mm à Watten: les 31 août, 2 et 14 novembre.

Quant aux vents forts, un peu plus nombreux cette année, vu la fréquence des épisodes perturbés, même durant l’été, ils ont atteint la force de la  tempête (vitesse de pointe >90 km/heure) à 4 reprises, d’après les relevés des stations météorologiques les plus proches: les 16/01,  31/03, 12/04, et 02/11.  La dernière fut la fameuse tempête «Ciaran»,  qui n’a pas causé trop de dégâts dans l’Audomarois, sans doute davantage dans le Boulonnais, mais surtout c’est elle qui a ouvert la voie à la série des gros épisodes de fortes pluies qui ont provoqué les graves inondations que l’on sait, et qui ont fait la «une» de l’actualité pendant plusieurs semaines!… 

Par Alain Plumart,
Watten, le 22 janvier 2024